And love will not break your heart, but dismiss your fears. | Leo Apsolin

Je ne viens pas d'une bonne famille, je ne viens même pas d'une famille lorsqu'on regarde comme il le faut. Je suis le produit d'une explosion, je me plaît à me prendre pour le Big Bang. Seulement, je sais bien que ces deux tombes, sur lesquelles je tombe instinctivement à chaque fois que mes délires me reprennent, sont celles de mes parents. Je sais aussi, sans doute aucun, que la fille avec qui j'ai tant vécu en si peu de temps, et bien c'est ma soeur. Pour elle, je ferais tout, mais elle n'est pas ma famille. Elle a fait de moi son son énergie vitale et j'en ai fait autant. Nous ne nous aimons pas, nous sommes qu'un seul être. À présent, chaque remarque désobligeante, chaque épreuve qu'elle m'a fait subir ont pris un tout autre sens, elle ne désirait que ma survie et la sienne, car sans l'un, l'autre n'est plus. Nous ne sommes pas égoistes, ni l'un ni l'autre, il s'agit bien d'une élévation de l'amour familial. Nous agissons grâce à ce lien, c'est lui qui a fait tout le mal et tout le bien qui nous entourent.
Plus jeunes, personne n'aurait pu voir un tel avenir en nous, pas sous les coups et les bagarres qui nous caractérisaient. Ma soeur était une tête forte et la plupart du temps je subissais, comme toujours. Mes parents n'aidaient en rien à notre relation, c'est plutôt quand ils sont partis qu'ils ont réussi à nous aider. Ils n'étaient pas attentionnés, ni même aimants. Je me rappelle encore quelques coups violents que j'ai reçu de mon père. Je ne pense pas que ce soit un mal en soi, que tout ça soit terminé, ça aurait pu être pire. Seulement, nous nous sommes retrouvés seuls, rapidement d'ailleurs. La première famille adoptive, la seule qu'on ait eut, n'était pas mieux que la biologique. C'est la débrouillardise qui nous a empêché de sombrer, moi et Allophène. C'est à partir de ce moment que notre mode de vie s'est dépravé. Nous volions, rien de bien grave, mais tout de même. Ma soeur les charmaient et j'effaçais le crime ensuite. Chaque fois, c'était pareil. Nous prenions de quoi manger et survivre, rien de plus, ma soeur m'empêchait d'en faire trop, elle a toujours été très stricte. Lentement, notre liaison se construisait. Lentement, mon esprit se dégradait.
Mon pouvoir n'a pas été très difficile à découvrir, il s'est insuflé en moi à l'âge de 10 ans et c'est mon père qui a vécu sa première utilisation. Juste avant de recevoir une claque, j'ai posé ma main sur lui et j'ai crié que je n'avais rien fait et lentement, j'ai vu disparaître le souvenir de mon crime dans son esprit et sa colère se loger en moi, tout au fond. Tout en découvrant mon pouvoir, j'ai appris son handicap. Il m'est impossible d'effacer les sentiments des souvenirs que je manipule. Alors ils s'insèrent en moi et s'accumule. Lorsque mon esprit n'en peut plus, elle expurge ces parasites par divers moyens: des vomissements noirs, des crises d'énervement, une dépression passagère mais incomparable, des malaises quelconques... J'ai vécu cette faiblesse à plusieurs reprises. J'ai même quelques bribes de ces émotions qui reviennent parfois, elles ne partent donc jamais vraiment. Je n'ai jamais osé le dire à ma soeur, elle sait que j'expulse le plus gros de mes troubles quand je suis malade, seulement je ne veux pas l'inquièter avec le reste. Surtout que j'ai utilisé mon pouvoir maintes fois sur elle, pour retirer ces émotions étrangères qui la traverse, puisqu'elle subit pratiquement la même chose que moi. En fait, parfois en utilisant sa maîtrise des émotions, les personnes plus fortes arrivent à laisser une trace dans l'esprit de ma soeur, il laisse une douleur, une peine, une colère chez elle, que je m'empresse d'effacer puisqu'elle ne peut l'expurger, elle.
Je ne suis pas fou, je suis damné. Je maîtrise mal mes émotions, je pleure facilement, mais jamais devant les autres (ma soeur est une exception). Je suis difficile d'approche, pas hautain. Je ne suis pas fort, je suis faible malheureusement. Je suis doux, même un peu naïf. Je suis intelligent, mais maladroit. Je suis attentionné, une fois qu'on me connait. Je suis un excellent acteur, mais loin d'être un bon manipulateur. Je suis travaillant, je déteste décevoir. J'adore écrire, bien que je suis perfectionniste. Je déteste les insectes et le sang, ainsi que le violence. Je ne mange pas de viande, à cause d'une maladie. J'adore la nage et l'eau, ce qui me fait haïr le feu.
Aujourd'hui, on s'est arrêtés. Je ne sais pas trop ce qui a déclenché cette accalmie, peut-être l'âge, ma soeur a 22 ans maintenant. Je l'ai suivie, de toute façon, rien ne me plaisait dans ce qu'on faisait. J'ai trouvé du travail, pratiquement de manière honnête. Withinghall n'est pas un endroit extraordinaire, mais au moins, il nous accueille. Ça fait du bien de s'installer. Malgré tout les évènements malheureux, ça fait du bien.